La lecture oralisée est la modalité privilégiée tant à l’école qu’ à la maison lors de son l’apprentissage au cours
élémentaire .Ceci est justifié par la nécessité ,à cette période ,de développer la précision du trancodage des
graphèmes aux phonèmes , et l’accent qui doit être mis sur l’automatisation du codage alphabétique.
Le dosage entre lecture silencieuse et lecture oralisée par la suite fait moins l’objet de consensus.
Mais que faut-il préconiser ,lorsque cette automatisation ne se fait pas ,c’est à dire lorsque la fluidité lexique n’est pas obtenue?
Les familles sont en général soumises à l’injonction pédagogique courante “il faut lire tout haut tous les soirs“ ou ,d’elles même, elles proposent, pour ne pas décourager l’enfant, différentes formes de lecture orale ,accompagnée ,ou en duo parent- enfant .
La Science ,si elle peut donner des réponses pour les processus d’apprentissage normaux ,est muette en ce qui concerne les situations de troubles cliniques. Tout au plus peut elle émettre des hypothèses.
La fluidité lexique chez l’enfant standard dépend de la maîtrise du code alphabétique ,mais aussi de la possibilité très tôt de compléter le codage alphabétique par un codage orthographique , au fur et a mesure où l’enfant crée des représentations directement porteuses de sens, à partir de groupes plus ou moins larges de lettres.
Dès lors, trois questions doivent être posées:
1 la fluidité lexique oralisée peut-elle être obtenue en continuant ce qui ne marche pas?
2 Y a-t-il des intérêts à chercher des facilitateurs?
3 Ou ,doit on développer des alternatives à ce type de lecture ?
Pour la première question ,une réponse peut se trouver dans une autre question:
Peut-on obtenir une meilleure fluidité ,lorsqu’il y a trouble ,par un entraînement de la lecture orale?
Le trouble ,c’est ce qui résiste malgré une révision bien menée de l’apprentissage premier, en ayant accompagné cette révision d’une action sur d’éventuelles prérequis manquants.
C’est normalement le but de la prise en charge orthophonique de ce qui est un retard dans la mise en place de la lecture, et pas encore une “dyslexie “.
Le prérequis le plus souvent impliqué ,et donc travaillé dans la rééducation ,est la conscience phonologique.
Mais si on constate que l’entraînement de la conscience phonologique ne se transfère pas à l’efficience lexique ,peut-on attendre quelque chose de l’entraînement de la lecture dans sa modalité oralisée .
Non ,à l’évidence ,car si il y a trouble phonologique ,ceci signifie que l’incapacité peut être stimulée artificiellement ,mais sans garantie qu’elle va alors jouer son rôle naturellement dans l’acquisition de la lecture et dans sa fonctionnalité .
Ce qui agit implicitement chez l’enfant sans trouble pour permettre un automatisme ,risque ici de rester un savoir qui ne se procéduralise pas .
A moins que l’utilisation de facilitateurs dans la fixation ou la focalisation puisse aider.
On en est donc à la deuxième question .
Deux types de facilitateurs sont habituellement proposés: le geste ( méthode dite Borel); le cache appliqué sur une partie du texte ou des mots ,afin de focaliser l’action de transcodage .
Le geste peut se concevoir comme une aide à la fixation du lien oral écrit ,mais peut-il être utile pour l’évoquer lors de la lecture orale courante ?
C’est toute la différence qu’il faudrait avoir en tête ,entre l’utilisation du geste par l’orthophoniste dans un cadre rééducatif et une utilisation pédagogique avec une méthode gestuelle et syllabique pratiquée à l’école ou à la maison .
Dans le cadre rééducatif ,le geste est utilisé pour améliorer la fixation du lien lettre-son, dans ce que j’ai appelé la révision de l’apprentissage .
Un enfant qui a un trouble ne sera pas guéri par une méthode d’apprentissage, en l’occurrence ici la méthode syllabique et gestuelle.
Les prescriptions faites actuellement par les Hauts Conseils et consorts sont peut-être valables pour l’apprentissage “physiologique “ de la lecture ,mais n’ont pas de pertinence scientifiquement étayée ,lorsqu’on est face à un trouble clinique.
La demande de lire tout haut et en produisant des gestes chez ce type d’enfant risque d’aggraver le problème d’accès à l’automatisation .
Reste le cache. Celui ci a été surtout proposé pour les enfants qui ont des problèmes attentionnels pour aider à focaliser l’action sur des parties bien déterminées du texte .
La modalité orale de la lecture visera alors à vérifier l’effet ou l’absence d’effet facilitateur, mais ne peut être un but en soi.
L’intérêt d’une stimulation de la lecture à voix haute, pour l’enfant présumé dyslexique,même après optimisation des conditions d’accès au transcodage, est donc douteux, et dans certain cas ,cette pratique peut même être contre-productive .
C’est le cas ,en particulier ,lorsque le trouble d’acquisition est associé à un trouble du langage expressif,et ce malgré le poncif de l’amélioration du langage oral par l’apprentissage de la lecture.
Si l’oralisation peut favoriser la mémorisation du lien son-lettre, on peut se demander ce que va mémoriser en oralisant un enfant qui a un trouble de réalisation de la parole?
Une suggestion peut être offerte par ce que va transcrire l’enfant de ce qu’il a mémorisé ,qui est ,au mieux , la transposition de ses erreurs à l’oral.
Quelles sont les alternatives à l’entraînement aidé ou non de la lecture à voix haute?
Elles sont nombreuses et pourront être développées dans une prochaine publication:
– l’acting out à partir de consignes écrite;
– la lecture silencieuse préparée ;
– la lecture silencieuse avec le support audio, avec une progression sur le temps d’exposition ,de façon à favoriser les compensations par les voies non phonologiques;
– la lecture silencieuse avec le mémo des tableaux de syllabes sur lesquels un travail de mémorisation “globale “ de la syllabe aura été, fait préalablement.
On doit viser avant tout à cette phase ,où on patine sur la vitesse d’accès au codage alphabétique , le recours aux indices non phonologiques ,qui ne se prononcent pas directement , mais qui permettent de ne pas rester coincé au niveau syllabique.
Ces choix ne sont pas l’objet d’une méthode ,mais d’un “sur mesure” éclairé par la connaissance des stades de développement de l’écrit et des différents types de représentations mentales qui permettent l’évolution dans ces stades.
On ne peut pas exclure que ,une fois ces ponts entre syllabes mots et phrases mis en place, on puisse valoriser le résultat dans la lecture tout haut …